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CCA - Presvira Ch.3

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Chapitre 3

Ce fut le son de la voix électronique de la forme synthétisée de Maia qui me tira du sommeil ; mon IA s'adressait à Stockpeed, assis à côté de moi, éclipsant la lumière du soleil qui s'était levé. Malgré ses cernes et une certaine pâleur, Stockpeed avait l'air de mieux se porter. Je l'observais un instant, sans bouger, tant tout mon corps me faisait mal ; il écoutait lui-même Maia lui faire part de ses calculs de température, de ses estimations de la longueur des journées et des nuits sur cette planète ainsi que de l'étendue de sable. Il soupira, en fourrageant dans ses cheveux, d'un geste de la main et grogna un affreux juron.
— Ca va en faire du click à bagoter… ajouta-t-il.
Je me sentais exaspérée de ne rien comprendre à son horrible jargon. Ne pouvait-il pas s'exprimer plus simplement ? Il ajouta une longue phrase dans sa langue natale à laquelle Maia ne répondit pas et je me redressais, péniblement. Mon geste attira son attention et il me jeta un coup d'œil, par-dessus son épaule ; il haussa son sourcil droit que je remarquais, pour la première fois, barré d'une fine cicatrice puis il me tourna le dos, sans rien dire. Quel ingrat ! Pas un mot de remerciement, pas un mot de considération, rien. Je repoussais la couverture étendue sur moi et me redressais.
— Bonjour capitaine Arhina, me dit Maia. Vous êtes restée inconsciente 8 heures et 12 minutes cosmiques standards.
— Inconsciente ? m'étonnais-je. Si… si longtemps ?
Je grimaçais d'inconfort et de soif ; je cherchais le sac de secours du regard. Il était à quelques pas de nous, son contenu répandu çà et là dans le sable. Je me levais péniblement, sentant mes jambes trembler et je craignais un instant de ne plus pouvoir faire un pas. Mais mes forces me revinrent lentement et je ramassais le drap de survie pour le plier. Ensuite, je m'approchais du paquetage éventré et inspectais son contenu répandu ; il n'y avait aucune gourde dans le sac et je soupirais. Ma main en visière pour me protéger de l'éclat du soleil, je baissais les yeux, sur le sable à mes pieds tant la réverbération était douloureuse. C'est alors que je remarquais des traces de pattes et de bottes parmi les restes du kit de secours. Je me tournais vers le mécanicien qui commanda à Maia de repasser en stand by et je lui demandais :
— Que s'est-il passé ici ?
Sans même se tourner vers moi, il me répondit d'une voix plate :
— Des bestioles sont venues faire la foire pendant la nuit.
Je rassemblais les affaires éparpillées dans le sac encore utilisable et revenais vers lui pour me laisser choir, assise, sur la couverture pliée. Je remarquais les mêmes traces autour de l'endroit où nous avions dormi. Stockpeed se tourna et je sentis son regard peser sur moi.
— Sont v'nus nous renifler, dit-il. Mais ils ont dû nous croire morts et sont partis.
Secouée d'un frisson d'horreur, je tentais de déglutir mais ma gorge sèche me refusa cet effort.
— J'ai soif, marmonnais-je dans un soupir, harassée.
Stockpeed se leva sans un regard, en grognant quelque chose comme "Foutue journée". Enfin une chose sur laquelle nous étions d'accord. Il quitta sa veste de cuir et l'enroula autour de sa tête ; la pelisse était légèrement de travers et les manches croisées sur sa gorge, lui battaient le dos alors qu'il se mit à marcher droit devant lui.
— Stockpeed ! m'écriais-je, en me relevant. Où allez-vous ?
Il ne répondit pas.
— Stockpeed ! criais-je à nouveau, avec plus d'autorité.
— J'vais chercher de l'eau, rétorqua-t-il, en levant la voix pour couvrir la distance qu'il mettait entre nous à chaque enjambée.
Et je vis l'éclat bleu de la forme synthétisée de Maia apparaître à son poignet.
— Attendez-moi !
Je saisissais la couverture et le sac que je mettais à l'épaule et partais à la suite du mécanicien, trébuchant dans le sable qui engloutissait mes pas. Stockpeed me jeta un vague coup d'œil, par-dessus son épaule, continuant d'avancer à bonne allure en suivant les indications de Maia.
— Couvrez-vous au moins, me dit-il alors. Sans ça, z'allez cuir au soleil.
Je ne répondis rien et dépliais la grande couverture de survie que j'enroulais autour de moi, malgré le vent qui remontait des dunes et tentait de me l'arracher, gonflant le tissu comme une voile de navire. Je rattrapais enfin le mécanicien et tentais de suivre son pas, essoufflée, alors que je m'enfonçais jusqu'aux chevilles à chaque foulée.
— Et cachez vos yeux, aussi…
J'arrivais sur sa droite et posais ma main sur son épaule pour le faire ralentir mais il se dégagea violemment à mon contact et je le vis crisper les mâchoires comme un animal prêt à mordre. Il me semblait avoir senti quelque chose d'étrange sous mes doigts, comme une profonde cicatrice dans sa peau. Je pressais le pas pour ne plus me laisser distancer.
— Et… vous pensez pouvoir nous trouver de l'eau ? demandais-je, haletante et assoiffée.
Il émit un claquement de langue puis se racla la gorge avec souffrance, avant de répondre, la voix cassée :
— Maia peut, elle…
Je considérais l'image aux cheveux courts de mon IA.
— Détectes-tu autres chose que de l'eau, Maia ? Toujours aucune forme de vie évoluée, une trace de civilisation avancée ?
Mais je devinais déjà sa réponse.
— Non, capitaine Arhina, me répondit-elle simplement. Sud-Est dans trois mètres, mécanicien Stockpeed.
Nous continuâmes d'avancer péniblement dans l'immensité de sable durant ce qui me sembla de longues heures ; je croyais voir parfois la surface d'une courbe de désert miroiter loin devant nous et, bien que je sache qu'il ne s'agissait que d'un mirage, je ne pouvais me retenir d'allonger le pas, manquant de chuter plusieurs fois dans les brûlantes vagues ocres. Ma couverture glissa à de nombreuse reprise du sommet de ma tête et mes épaules, s'arrachant à mon emprise ramollie de fatigue et je ne m'en apercevais qu'alors que le vent fouettait mon visage, tiraillant ma peau et craquelant mes lèvres asséchées. Je ne distinguais que faiblement la douce voix électronique de mon IA qui dirigeais le mécanicien dans ce désert interminable mais n'en trouvais aucun réconfort.
— J-Jarvis, bredouillais-je, en tentant de m'accrocher à son bras, pour le retenir d'avancer et m'empêcher de chuter. Que dit-elle ? Est-ce encore loin ?
Stockpeed s'essuya le front et laissa retomber son bras le long de son corps ; cela le déséquilibra et il manqua de tomber. Je fis un geste pour le soutenir mais il se redressa sans aide.
— Plus au sud… répondit-il, d'une voix rocailleuse, avec son accent irritant des basses planètes. Faut continuer d'avancer… Elle a localisé une plaine dans l'terrain. La flotte est un peu plus bas…
Je gémissais mais continuais à marcher, d'un rythme inégal, enfouie sous ma couverture où je me sentais bouillir. Nous marchions encore sur de nombreux kilomètres de dunes ocres aux formes complexes, parfois longues et hautes comme des murs de sable aux tons de jaunes et d'oranges plus foncés sur lesquels tourbillonnaient des nuages granuleux qui sifflaient sous le vent léger quand Stockpeed s'arrêta ; je me heurtais à lui alors que mes jambes ne m'obéissaient plus, possédées par l'élan d'avancer.
— Réserve d'eau à 47 mètres, informa Maia. Direction Sud Sud-Est.
Stockpeed se remit en route et moi à sa suite. Le vent soufflait plus fort et faisait voler de longs bandeaux de grains de sable autour de nous ; j'en aspirais et me mis à tousser. Dans l'état de déshydratation où j'étais, cela me fut insupportable. Heureusement, nous n'eûmes qu'à faire quelques pas de plus que, j'aperçus, en contrebas d'un long cordon de dunes qui se résorbait en une pente sur la gauche, cette oasis que je n'espérais plus ; je trouvais la force de courir sur la colline de sable, tenant farouchement la couverture sur ma gorge. Je dépassais le mécanicien, dévalant la pente sablonneuse et courais sur les quelques mètres qui me séparaient encore de la grande étendue d'eau. Et cette fois, elle n'avait rien d'imaginaire. Je rejetais le sac de survie et la couverture sur le sol de terre dure et pierreux et me laissais tomber au bord de l'eau. La tête me tournait et j'avais si chaud... Je plongeais mes mains en coupe jusqu'aux coudes dans l'onde ; je fus surprise par sa fraîcheur. J'en bu une longue gorgée avec délectation puis une deuxième. J'eus l'impression de revivre et j'en prenais une troisième avant d'ôter ma combinaison et de m'y laisser glisser toute entière, en sous vêtements. J'entendis Stockpeed me hurler quelque chose, en se précipitant vers moi, descendant la pente de sable, à grandes foulées qui soulevaient d'épais nuages de sable sombre. Sa voix était si éraillée que je ne le compris pas ; c'était fort regrettable car c'était les premiers mots qu'il m'adressait depuis plusieurs heures... Peut-être. Quelle heure pouvait-il bien être, d'ailleurs ? Je me mouillais les cheveux et le visage pour soulager ma peau irritée par le sable et les vents. Stockpeed arriva en maugréant. Il ôta la veste qui lui entourait la tête en s'agenouillant ; il bu une lampée d'eau puis se mouilla la nuque et le visage à son tour.
— J'ai dit ; n'entrez pas dans la flotte sans vous mouiller avant, me répéta-t-il, moralisateur.
Je soupirais, partagée entre l'agacement et l'aise ; ce bain était plus que bienvenu. Pendant ce temps, il avait entreprit de quitter ses bottes et ses chaussettes trouées ainsi que son équipement. Je remarquais alors qu'il avait gardé le com-link à son poignet ; heureusement qu'il était étanche. Je soupirais d'aise et me sentis parcourue d'un frisson glacé. C'était étrange après avoir eu si chaud…
— Depuis quand les rustauds de pirates font tant de manières avant d'entrer dans l'eau ?! m'écriais-je, presque amusée de son comportement.
Un rayon de soleil se refléta sur la surface de l'onde translucide. La réverbération m'aveugla et je plissais les yeux ; une incroyable douleur me transperça la tête et je gémis. Je devais avoir subi un coup de chaleur... Je gardais les yeux fermés et la douleur s'effaça alors que je mouillais mon front, de la paume de ma main.
— Allez, Jarvis ! l'appelais-je, en frappant la surface du plat de la main. Venez, c'est un ordre !
Je gloussais en rejetant la tête en arrière. C'est alors que je remarquais les arbres qui bordaient le plan d'eau ; ils se mouvaient étrangement, ployant tant sur leur tronc que j'eus l'impression qu'ils allaient s'abattre sur moi. Je redressais le cou et j'eus une nausée si violente que ma vue se brouilla. Je m'assis dans l'onde qui m'arrivait à présent jusqu'au cou. Je rouvris les yeux et tout semblait tourner autour de moi. Un bruissement de feuille et d'eau attira mon attention et je pivotais dans cette direction pour voir Stockpeed se glisser doucement dans l'eau ; il avait conservé son pantalon et l'espèce de vieux débardeur noir dont je l'avais vu vêtu plus tôt dans la matinée. Je ne pus contenir un éclat de rire et ressenti une bouffée de chaleur m'envahir à nouveau. Faisait-il donc si chaud, d'ordinaire, le matin... même sur une planète étrangère ?
Le contrebandier s'avança, de l'eau jusqu'aux genoux puis il s'assit lentement. Je le fixais toujours lorsque ma vue se troubla ; je me sentis alors couler au fond de l'eau, happée, sans pouvoir réagir. L'instant d'après, je perçus le vent sur mon visage dans une vague impression de chute. Peut-être mes dieux me rappelaient-ils et allais-je franchir les Neufs Portes jusqu'à l'Autre Monde... Qu'il était bête de mourir pour un simple coup de soleil !
Je heurtais quelque chose et me sentais sans force, placée en travers d'une épaule solide ; Thor lui-même semblait être venu me chercher. Je crus le reconnaître à l'affreuse cicatrice en forme de rune que j'aperçu dans son dos, vestige de la morsure du Grand Serpent... Ce fut alors la dernière chose que je vis avant de commencer mon voyage.

J'ouvris les yeux sur un monde noir où le moindre bruit était renvoyé en un écho sinistre et j'aperçus une lumière bleutée, familière, du coin de l'œil ; je me tournais vers elle, ressentant le besoin viscéral de ramper jusqu'à elle mais sous mes mains le sol se dérobait comme de la cendre, de la poussière qui me fit tousser. Mes oreilles étaient pleines du mugissement assourdissant d'une bête que je ne pouvais voir dans ce noir oppressant ; l'Abîme entre les Mondes m'avait engloutie. Sans doute était-ce mon juste châtiment pour avoir laissé mon peuple se consumer dans le feu de la guerre et je rampais maintenant dans leurs cendres. Les muscles de mes bras cédèrent et je chutais, le visage dans la poussière. La cendre était étonnement fraîche contre ma joue et mon front. Je gémis de soulagement. Alors, une voix humaine aux échos puissants résonna autour de moi, comme le tonnerre ; j'allais subir la colère de Thor.
J'acceptais le prix de mon échec et me laissais soulever de terre. Je me sentais secouée de frissons violents, des pieds à la tête et une immense main calleuse s'abattit sur mon visage... Je tentais de me débattre, vainement. Epuisée, je retombais sans force dans ces bras inconnus qui me maintenaient au dessus du sol. Un linge glacé me fut posé sur le front ; ce contact incongru, et le bien que me procura cette fraicheur inespérée sur mon visage brûlant, me fit tenter d'ouvrir les yeux. Je n'y parvins pas mais je me laissais aller sous la caresse du tissu.
— Quelle idiote… gronda une voix connue, près de mon oreille.
Je tentais de répondre mais n'émis qu'un son indéfini.
— N'essayez pas d'parler, continua la personne, autoritaire.
Je me sentis abandonnée sur le sol et alors que le rugissement semblait s'apaiser, je pus entendre le bruit de pas qui s'éloignaient. Je portais une main à mon front et fis glisser le linge humide, maintenant tiède, sur mes yeux douloureux. Les crissements de pas se rapprochèrent et je me sentis à nouveau relevée par les épaules. Le tissu tiède me fut retiré.
— Ouvrez la bouche, m'ordonna une voix d'homme.
Je m'exécutais et ma langue entra en contact avec une chose visqueuse au goût immonde. J'écarquillais brutalement les yeux et basculais sur le côté pour cracher l'infâme bouillie ; le souvenir de la texture glaireuse me provoqua un haut-le-cœur qui me secoua des pieds à la tête et je renvoyais le maigre contenu de mon estomac sur le sol. L'effort et le dégout me firent sangloter.
— Mais... mais qu'est-ce que c'était ? m'écriais-je, en chassant les pleurs de mes joues et la sueur de mon front.
— A manger, me répondit l'homme à côté de moi, que j'entendis se lécher les doigts.
Je me tournais alors vers lui. Mes étourdissements ne passaient pas mais ma vue se clarifia un peu alors que je tentais de faire le point sur son visage. C'était Stockpeed. Il semblait se régaler de l'ignoble brouet dont il se nourrissait avec les doigts et qu'il tirait d'une boîte en acier marquée de l'emblème des médi-kits[1]. Je gémis d'horreur, prise d'un nouveau haut-le-cœur et me détournais de lui.
— C'est des algues de l'oasis... Bouillies, m'expliqua-t-il, sans se démonter. Ca va vous faire du bien.
Je gémissais à nouveau.
— Où… où somme nous ? demandais-je, la voix brisée.
— Une grotte, répondit simplement Stockpeed.
— Une... une grotte ?! m'exclamais-je, en m'essuyant la bouche et chassant les sueurs froides de mon cou. Pourquoi ?
— Une tempête de sable.
Cela expliquait le rugissement alentour. Un constat évident s'imposait ; je n'étais pas morte. Et quelque part, j'en fus soulagée.
— Tenez, me dit-il, en touchant mon dos avec le plat improvisé. Faut manger.
Je pris la boîte par dessus mon épaule, avec réticence, sans lui faire face. Puis, machinalement, j'avalais le brouet infâme et visqueux en quelques bouchées afin de ne ressentir ni la texture, ni le goût de cette soupe ignoble. A force, le goût disparaissait mais ne rendait pas l'ingestion plus facile.  Il y eu un long silence pesant pendant lequel je n'entendais que le mugissement du vent qui se répercutait sur les parois de la grotte. Je me tournais vers Stockpeed en posant la boîte entre nous. Le contrebandier se racla la gorge et me demanda :
— Z'en voulez encore ?
J'eus un rire nerveux et refusais poliment, frémissante rien qu'a l'idée de manger cette bouillie glaireuse une nouvelle fois. Ce frisson me fit resserrer la couverture qu'il avait posé sur moi et je m'aperçus alors que j'étais toujours en sous-vêtements. Le rouge me monta au joues, en repensant à la manière dont je m'étais comportée dans l'oasis.
— Votre... votre combinaison est là, me dit-il, mal à l'aise, tel que s'il avait deviné mes pensées.
Et il m'indiqua un coin de la grotte à quelques pas de moi.
— J'l'avais mise sous votre tête tout à l'heure.
J'y jetais un coup d'œil ; ma combinaison était roulée en un gros édredon, près de mes bottes. Un courant d'air accompagné d'un nuage de sable entra dans la grotte et me fit grelotter une fois de plus. Je me levais malgré mes étourdissements et enfilais ma combinaison. Elle était chaude et douce à l'intérieur, doublée d'une fine fourrure synthétique d'Auroch gris et je soupirais d'aise. Je frottais ma joue contre l'intérieur de mon col, apaisée par cette sensation familière et, en fermant les yeux, je visualisais un instant l'animal dont le poil avait été imité ; c'était un animal sauvage d'Amvarr qui possédait un talent d'adaptation naturel à tous les climats que l'ont pouvait rencontrer dans mon système, bien que ceux-ci étaient rarement aussi brûlants que celui que je venais d'affronter. Mon peuple avait réussi à reproduire cette fourrure aussi bien dans son usage que dans sa texture, si douce et je m'en caressais à nouveau la joue. J'inspectais l'extérieur de ma combinaison, palpant la texture  bleu-vert, comme la carapace d'un Leukösiatt ; un crustacé Amvarriann dont la coquille polie était aussi lisse que de l'eau et dont la composition moléculaire la rendait souple et toujours résistante. Je remontais la glissière jusqu'à ma gorge, appréciant le contact familier de mes vêtements et l'illusion de protection, de sécurité qu'il me procuraient à cet instant. Je repassais mes bottes et grimaçait en constatant les dégâts du sable sur le cuir. C'était du si bel ouvrage… Le cuir de Kjöt était pourtant un des plus inusable de ceux que l'ont pouvait trouver sur ma planète mais il semblait que rien ne résistait au sable Mìann. Enfin, je bouclais ma ceinture et lorsque je me fus revêtue, je me tournais vers le contrebandier.
— Merci, lui dis-je dans un souffle.
— De quoi ? me répondit-il, en relevant la tête de sa deuxième écuelle d'algues.
Je grimaçais et les craquelures de mes joues et mes lèvres asséchées me firent mal. Je portais une main à ma bouche pour en inspecter l'état. Je fermais les yeux, sentant une douleur lancinante dans la nuque et répondais enfin, à mi-voix :
— De vous... de vous être occupé de moi.
J'eus un nouveau rire nerveux.
— J'ai cru que... que j'étais morte, lui avouais-je, gênée.
Il ouvrit la bouche pour répondre mais je continuais avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit :
— J'avais des hallucinations...
Je me mordais les lèvres gênée.
— L'insolation, sans doute, ajoutais-je. J'étais convaincue que mes dieux m'avaient envoyée dans... l'Abîme d'entre les Mondes.
Contre toute attente, il éclata de rire.
— Les dieux ? finit-il par dire. Les dieux se foutent bien d'nous... s'ils existent.
Je me raidissais à cet aveu.
— Moi j'les ai attendus longtemps... ajouta-t-il. Mais ils m'ont jamais répondus.
Il délaissa le plat d'algue presque vide, sur le sol de pierre.
— Je n'sers plus aucun dieu, déclara-t-il, bravache.
Je restais stupéfaite face à cet aveu. Il y avait là une raison simple à ma malchance ; mon peuple connaissaient si bien les dieux qu'ils étaient présents dans tous ce que nous faisions et partout où nous allions. Ils m'avaient tournés le dos parce que cet homme, et son absence de foi, étaient avec moi. Je l'avais aidé et maintenant, ils étaient en colère contre moi. Et si les dieux voulaient bien entendre mes prières, peut-être accepteraient-ils de m'accorder un miracle et m'aider à partir vivante de cette planète. Alors je leur promettrais de me débarrasser de ce contrebandier aussi vite que possible, quitte à le laisser sur cet amas de sable invivable. Je chassais la colère, les dents serrées ; il ne servait à rien d'y céder. Je frissonnais et mon estomac grondât, comme si il me maudissait d'avoir avalé cette bouillie glaireuse. Je finis par m'allonger, sentant un étourdissement ramollir mes jambes et je me recroquevillais sur le sol, la tête sur la couverture. Stockpeed me redonna le morceau de tissu humide ; j'eus une grimace en reconnaissant le chiffon rouge que le contrebandier avait reçu dans la salle des machines la veille. Mais mon mal de tête était plus fort que mon dégoût et je le reposais sur mon front avant de relâcher ma tête sur mon oreiller improvisé.

Cela devait maintenant faire plusieurs heures, en Temps Cosmique Standard, que le vent avait changé de sens. Du sable entrait dans la grotte, à chacune des plus grosses bourrasques, sous forme de gros nuages qui obstruaient la vue et menaçaient d'éteindre le feu sur lequel bouillait une nouvelle ration d'algues devenues noires.
— Le chant du cygne, lâcha le contrebandier, d'un air triste, sans plus d'explication alors que le vent poussait une plainte qui s'éteignit lentement loin au dehors de la grotte.
J'avais parfaitement saisi le sens de ces mots mais ils me surprirent dans la bouche de cet homme qui n'apparaissait pas comme très cultivé. Nous attendîmes en silence que la tempête s'apaise enfin. Quand le vent s'affaiblit, Stockpeed se leva et alla récupérer son récipient improvisé, sur le feu. Il ne rechignait visiblement pas à se resservir une troisième fois de cet... J'eus un haut-le-cœur rien qu'au souvenir de cette ignoble mélasse et replaçais le chiffon sur mes yeux. Alors qu'il se rasseyait, près de moi, je l'entendis se racler la gorge et marmonner quelques sons indécis.
— Cette nuit... articula-t-il enfin, un peu plus fort. Dans les dunes...
Pensait-il enfin à me remercier d'être revenu vers lui ? J'attendis en silence qu'il s'exprime.
— Quand j'ai… je vous…
Je déplaçais alors le chiffon sur mon front et l'observais ; il tenta un regard dans ma direction puis mima le geste de prendre quelqu'un dans ses bras. Je ne dis toujours rien et il s'éclaircit à nouveau la gorge.
— Je…  balbutia-t-il, la voix rauque. J'voulais pas vous…
Je fus surprise de voir ses joues se teinter de rouge. Il ajouta alors, au prix d'un immense effort :
— Vous m'croyez ?
Je soupirais et replaçais le chiffon à nouveau tiède sur mes yeux.
— Oui, répondis-je, un peu sèchement. J'ai compris ça… après. Quand le froid est devenu…
Je massais mes tempes mais n'ajoutais rien.
— Trop froid ? suggéra-t-il, alors.
— C'est cela, rétorquais-je. Trop froid
Il soupira, vraisemblablement soulagé d'avoir dissipé ce malaise. Le vent s'était maintenant parfaitement apaisé et pourtant, j'entendais toujours des plaintes au dehors. Et celles-ci se rapprochaient. L'une d'elle ressemblait clairement à une voix d'homme et je me redressais vivement, retirant le tissu de mes yeux. Stockpeed et moi échangeâmes un regard ; il avait entendu la même chose que moi. J'en étais certaine à présent, ces voix que nous entendions étaient celles d'êtres vivants. Il y avait encore un espoir de quitter cet endroit !
:bulletred: Note de bas de page

:bulletblue: 1.Médi-kits : Sorte de trousse à pharmacie. L'emblème est un octogone creux aux contours bleu.
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::EDIT::
Grace à vos commentaires et à notre équipe de beta reader les premiers chapitres ont été remaniés pour votre plus grand plaisir. Ils sont maintenant plus complets car des ajout de précisions ont été fait et validé par l'auteur. Vous n'avez plus qu'à lire et a savourer.

Vos commentaires sont toujours grandement appréciés. Votre avis compte et nous aide à progresser.
Merci de votre participation.
___

:bulletblue: Voici le chapitre trois, pleins de jolies surprises :D En espèrant que ça vous plaise toujours. N'oubliez pas de me poster vos commentaires afin que je puisse corriger certaines choses.

:bulletblue: La suite
:thumb175857511:

:bulletblack: All characters & story © ~Isilrina
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Comments12
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Hathorik's avatar
"Ca va en faire du click à bagoter" OH YEAH ! :heart:
On sent que le niveau de skill en survival de Jarvis est nettement plus élevé que celui d'Arhina tout de même hein... ^^; Même s'il a l'air moralisateur et de faire des manières avant d'entrer dans l'eau, en attendant c'est qui qui l'a portée ? ;p