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CCA - Presvira Ch.1

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Chapitre 1

Le tableau de bord s'illumina d'une suite de clignotements bleus et blancs et les informations défilèrent sur les écrans en même temps que les étoiles distordues sur les grandes baies vitrées de la passerelle de commandement. L'espace resplendissait de couleurs changeantes ; pastels par endroit, à d'autres sombres et crues, insondables et se mélangeant au fil des distances. Une voix douce aux légers accents électroniques résonna dans le poste de commande de mon vaisseau ; le VAP Arhina :
— Nous approchons du point d'émergence Kor Zulah. Préparation des moteurs à l'entrée dans le système Shankana.
Les consoles s'unirent dans une même harmonie de bips et de clignotements. Les moteurs augmentèrent leur ronronnement, presque imperceptible, aussi régulier que si mon vaisseau respirait, comme n'importe quel être vivant et le contrôle de l'IA de bord sur le pilotage renforçait l'illusion, dans ce poste de commande inhabituellement désert.
— Préparation de la séquence de décélération…
Le vaisseau passa la porte ; la lumière des étoiles alentours me parvint encore plus distordues jusqu'à se figer et le vaisseau fut rejeté quelques instants plus tard dans le système Shankana. Le saut spatial s'était déroulé sans encombre et je me détendais en même temps que les moteurs se callaient sur leur vitesse optimale. Mon IA poussa le vaisseau à continuer sa route, à bonne allure dans le chenal spatial de Gorak Rabak dans lequel nous avait projeté la première porte Shankanann. Je n'avais pour l'instant pas grand-chose à faire et je somnolais, bercée par la voix calme du programme M.A.I.A., affectueusement surnommée Maia ; prototype d'intelligence artificielle dont peu de vaisseaux de la même chaîne de production pouvaient se vanter de bénéficier. Et pour un voyage comme celui-ci, une IA d'une telle performance n'était pas un luxe inutile. Mes yeux mi-clos repérèrent une lueur plus intense que les autres à travers la baie vitrée du poste de commande ; sur l'écran de contrôle de mon siège, je touchais sa représentation, pour en obtenir les informations.
— Analyse de l'objet en cours…
Quelques secondes passèrent puis l'information arriva :
— C'est une étoile, capitaine Arhina, me dit Maia. Elle est répertoriée dans ce système stellaire sous le nom de Khali. C'est un astre protecteur pour les peuples de cette région du cosmos.
— Merci Maia, répondis-je, paresseusement.
Le temps dans l'espace semblait différent, plus lent, plus posé. Les distances, à l'inverse, semblaient plus courtes. Le VAP, Vaisseau Amvarriann de la Presvira Arhina, pouvait parcourir des douzaines d'Unités Astronomiques en quelques minutes de Temps Cosmique Standard grâce à l'énergie du «Warp» et de la puissance de ses moteurs quantiques. J'étais très fier de ce vaisseau dont je prenais grand soin à chacun de mes déplacements et bien plus encore depuis que j'en étais devenu le capitaine ; c'était une promotion de convenance, toutefois et je n'aurais jamais été capitaine si pour cette mission, je n'avais du voyager seule. Mon savoir militaire et de manœuvre stratégique, ou même de pilotage de vaisseau se résumait à la formation accélérée dont j'avais bénéficié quelques mois avant de partir pour Tellus.
— Analyse d'un signal non répertorié en cours... Analyse complète.
Aussitôt, tout l'habitacle du poste de commande s'illumina de rouge et je me redressais vivement sur mon siège.
— Nous sommes attaqués, compléta Maia, de ce même calme électronique.
Si jusqu'à présent, mon IA m'avait été d'une aide précieuse, en cet instant, je regrettais l'absence de mon lieutenant.
— Active le bouclier, ordonnais-je. Maia, je veux un scan complet de l'appareil ennemi.
— Scan de l'appareil en cours…
Je me levais et vérifiais les données qui arrivaient au compte-gouttes, sur les écrans de contrôle. Si j'étais attaquée, mon efficacité à me défendre serait limitée ; mon vaisseau, un Frigg, était de type cuirassé mais disposait de peu d'armement. Les vaisseaux de cette classe étaient habituellement accompagnés de bâtiments escorteurs tel que des croiseurs ou même des destroyers et si je me retrouvais seule, à présent, ce n'était pas de mon choix ou celui de mes supérieurs mais bien les conditions de la mission qui m'attirait à plusieurs centaines d'Unités Astronomiques d'Amvarr. Les conditions de ma venue dans le système Tellus exigeaient que j'aborde les planètes Tellusiennes, sans escorte militaire, excepté pour mon équipement défensif, commun à tous les vaisseaux diplomatiques. C'était aussi pour cette raison que je me retrouvais capitaine d'un vaisseau vide…
— Scan terminé, déclara l'IA. Il s'agit d'un vaisseau Omegian Container Dagan.
— Un vaisseau Omegian dans ce système ? m'étonnais-je. Tu en es sûre ?
Je grimaçais et ajoutais :
— Évidement que tu es sûre, tu ne te trompe jamais.
Et c'était ce qui rendait la présence d'un vaisseau Omegian dans ce système encore plus étrange ; les vaisseaux containers de ce peuple de la galaxie quittaient rarement les environs proches de leur basse-planète.
— Affirmatif, répondit Maia. Bouclier activé. J'attends vos ordres, capitaine Arhina.
Je vérifiais les paramètres du bouclier et les réponses des canons à énergie sur les écrans.
— Tente une liaison A/V, dis-je alors.
Il ne fallu que quelques secondes avant que la liaison soit établie ; un homme d'une quarantaine d'années apparu sur l'écran de liaison audio/vidéo.
— Salut ? lança-t-il d'un air amusé.
Je secouais lentement la tête, avec une grimace de désapprobation face à sa désinvolture.
— Capteurs vidéo activés, capitaine Arhina.
J'hochais la tête, en signe de remerciement pour mon IA, sans rien dire. L'image de la liaison audio/vidéo dû enfin arriver sur les moniteurs du pilote car je vis la même expression étonnée sur son visage que sur celui de la plupart des pilotes et correspondants auxquels j'avais fait face depuis le début de cette mission. Je ne lui laissais pas le temps de se reprendre :
— A qui ai-je l'honneur ?
Il se racla la gorge.
— Capitaine, heu… Jarvis Stockpeed, répondit-il, sans formalité. Et vous, vous êtes qui ?
Il avait une manière peu châtiée de parler, et un étrange accent, qui me fit tiquer.
— Arhina Tìma Sindri, capitaine du VAP Arhina, répondis-je, protocolaire.
Je le jaugeais un court instant.
— Vous avez l'air très humain pour un Omegian, remarquais-je, narquoise. Que faites vous dans cette partie du système stellaire Shankana ? Vous êtes… très loin de chez vous !
Il eut un haussement d'épaules.
— Des amis à moi doivent me livrer un paquet, répondit-il de but-en-blanc.
— De la contrebande, je suppose ? dis-je acerbe.
— Ouais.
Il y eu une sorte de silence gêné, pendant lequel je consultais le scan de son vaisseau container.
— Vous prévenez les autorités spatiales du système ? me demanda-t-il, flegmatique.
— Non, ce que vous faites ne me regarde pas, déclarais-je, presque cassante. Laissez-moi tranquille et j'en ferais de même pour vous.
Il sembla réfléchir quelques secondes et pianota sur ses commandes. Au même instant, l'habitacle de la passerelle de commandement passa du rouge au bleu, signe qu'il ne me visait plus. Je lui fis un signe de la tête pour le remercier et ajoutais :
— Que Thor veille sur vous.
— Pareil, me répondit-il, en serrant les dents avant de couper la liaison A/V.
Je me réinstallais confortablement et indiquais à Maia de baisser la lumière.
— Dois-je poursuivre le trajet initial, capitaine Arhina ?
— Oui répondis-je. Réveille-moi à la prochaine porte spatiale.
— Bien, capitaine Arhina.
Une pensée me vint à l'esprit :
— Assure-toi d'avoir enregistré le signal du VOC Dagan de ce... Stockpeed.
— Vérification de l'enregistrement du signal en cours... Vérification du signal terminée. Le signal à bien été enregistré, capitaine Arhina.
Je basculais le dossier de mon fauteuil et jetais un coup d'œil aux calculs des coordonnées. La prochaine porte spatiale serait dans quatre heures ; j'avais le temps de faire une sieste avant de l'atteindre. Hélas, ma nervosité rendait mauvaise la qualité de mon sommeil mais j'écoutais le ronronnement des moteurs pour me bercer et m'endormir.

Une douleur au bras droit me réveilla en sursaut ; j'avais glissée sur mon siège et dormi dans une mauvaise position. Cependant, je commençais à y être habituée puisque je voyageais depuis maintenant presque deux longues semaines et ne dormais jamais dans ma cabine depuis que j'avais été séparée de mon équipage, préférant la sécurité du siège de pilotage au confort de mon lit.
— Bonjour, capitaine Arhina. Vous avez dormis 1 heure et 43 minutes cosmiques standards. La prochaine porte spatiale est dans 2 heures et 10 minutes cosmiques standards.
Je m'étirais douloureusement et redressais mon siège.
— Voulez-vous un café ?
J'aimais l'autonomie de cette IA.
— Volontiers, Maia, dis-je. Merci.
Je me levais et quittais le poste de pilotage pour me diriger vers le réfectoire ; un café chaud m'attendais déjà lorsque j'arrivais à la cafetière. Je le pris et regagnais rapidement la passerelle de commandement en me félicitant d'avoir réglé l'ordinateur de bord sur ces paramètres de dosage ; le nombre de vaisseau dans lesquels ont pouvait déguster du bon café se comptait sur les doigts d'une main. Cela dit, ce mélange de grains, importés de Bryrvarr, une des planètes sœur d'Amvarr, y étaient aussi pour beaucoup. Je me rassis sur mon siège, appréciant le breuvage chaud et la futilité de ce moment d'oisiveté où j'attendais de pouvoir relancer le moteur Warp et passer la dernière porte de Shankana, en quittant le chenal.
— Nous recevons une transmission, déclara soudain Maia. Vérification du signal en cours...
Je jetais un coup d'œil en arrière, vers les commandes de mon siège, qui clignotaient.
— Vérification terminée. Je détecte une flotte militaire embusquée d'origine Dânann. Transmission en cours…
— Transfère-la sur le technoglass[1] bâbord. Réduit la puissance des moteurs et enclenche les stabilisateurs spatiaux.
— Bien, capitaine Arhina.
Un jeune homme en uniforme, à l'apparence humaine se présenta sur l'écran ; le technoglass rendait sa peau bleue plus teintée qu'elle ne l'était vraiment.
— Déclinez votre identité et numéro d'identification, m'ordonna-t-il, austère, avec un léger accent Dânann.
Je pinçais les lèvres avant de répondre :
— Ici, Arhina Tìma Sindri, capitaine du VAP Arhina. Numéro d'identification 137096933.
Son visage sur le grand écran se crispa un instant.
— Vous n'avez rien à faire ici, capitaine. Ceci est une zone militaire, vous n'y avez pas accès.
Son ton catégorique m'irrita.
— Et depuis quand je vous prie ? demandais-je sèchement.
— Cela fais deux jours, Temps Cosmique Standard, capitaine, répondit-il, légèrement mal à l'aise en ajustant son chapeau de toile beige sur ses courts cheveux gris et blanc.
Je me tournais vers l'écran de contrôle et demandais à Maia de recalculer le trajet pour Caelius, la planète-mère du système Tellus, en évitant la zone en question. Quitte à être contrainte à un détour, autant choisir moi-même mon chemin...
— Estimation du temps de trajet en cours...
Quelques secondes passèrent puis elle me dit :
— Estimation terminée. Nous arriverons sur Caelius dans 2 jour et 14 heures cosmiques standards de plus que le temps initialement prévu.
Je me tournais vers l'image du militaire et déclarais :
— Je ne peux pas me permettre de détour. Etes-vous vraiment certain qu'il n'y ait pas d'autres solutions ?
Il déglutit.
— Je crains que non mais...
— J'exige de parler à votre supérieur, le coupais-je avec impatience dans la voix.
— Mais capitaine, je...
— Ne discutez pas, officier ! ordonnais-je.
— Bien capitaine, finit-il, avant de disparaître du champ de sa caméra.
Un homme plus âgé, Dânann lui aussi, vint le remplacer à l'écran ; il était d'un grade supérieur au mien mais j'espérais plus de compréhension de sa part. Il me salua et je lui rendais la politesse.
— Commandant, fulminais-je. Votre homme me signale que cette zone ne m'est pas accessible. Seulement, si je la contourne, cela me prendra deux jours de plus que si je traverse ici.
Le commandant eut l'air vaguement embarrassé et pianota sur sa console.
— Puis-je avoir votre numéro d'identification à nouveau ? demanda-t-il.
— Matricule 137096933. Sindri, Arhina Tìma, capitaine du VAP Arhina, répétais-je excédée.
Il dodelina de la tête.
— Veuillez patienter, s'il vous plait, dit-il avant de vérifier une série d'informations sur son ordinateur de bord.
Après quelques minutes, il déclara, l'air sévère :
— Votre code n'est pas directement militaire, capitaine. Qui vous envois ?
— Je suis Presvira, mandatée par la dirigeante du système Yggdrasil, l'Eldri Ilina Stjarna, précisais-je alors pour la première fois depuis le début de la connexion.
A ces mots, le commandant devint blême. Il grimaça mais se contenta de dire :
— Toutes nos excuses, Presvira. Nous vous donnons tout de suite l'accès à cette zone.
Puis il pianota sur ses commandes et l'autorisation s'afficha sur mon écran.
— Je vous confirais, Presvira, que nous avons établi un barrage pour appréhender de dangereux pirates qui...
— Faites ce que vous voulez tant que vous ne retardez pas ma mission, déclarais-je, froidement.
Je fis un salut poli à l'intention du commandant et coupais la transmission sans plus attendre. A peine l'image du technoglass redevint-elle celle de l'espace environnant que Maia ajouta :
— Réception d'une nouvelle transmission, capitaine, m'informa-t-elle alors que je reprenais place dans mon siège de pilotage. Il s'agit du capitaine Stockpeed.
Je soupirais ma désapprobation et empilais le petit gobelet de plastoprène [2] vide dans les autres, dans l'accoudoir du siège avant d'y prendre ma cigarette électronique.
— Affiche-le sur l'écran, dis-je, en allumant la cigarette.
— Détection de fumée, activation de l'aération de la passerelle de commandement en cours...
J'entendis le cliquetis discret de la mise en marche de la ventilation et vis les volutes pâles de ma cigarette onduler jusqu'à disparaître. Sur la baie vitrée de technoglass, le visage de Stockpeed apparut ; il paraissait moins détendu que quelques heures auparavant.
— Un capteur de fumée est défectueux dans la zone 1-3, annonça Maia.
— Merci Maia, c'est noté, répondis-je. J'essaierai de voir ce que je peux faire pour ça plus tard.
Je tirais une bouffée de ma cigarette avant de tourner mon attention vers l'écran.
— Capitaine Stockpeed, dis-je sarcastique. Que me vaut à nouveau ce plaisir ?
— Mon Dagan à été pulvérisé, j'suis dans un module de secours, débita-t-il, visiblement très pressé. J'peux monter à bord ?
Son aplomb et son culot me choquèrent.
— Pourquoi ne pas demander aux Autorités Spatiales de vous aider ? remarquais-je, feignant l'incompréhension. Ils sont justes derrière nous.
Il hésita avant de répondre :
— Non, c'est pas une bonne idée. Et puis, y vont pas où j'vais…
Son image se brouilla puis se stabilisa.
— J'suis dans votre sillage, sous l'ventre de votre vaisseau, ajouta-t-il. J'pourrais pas quitter le système à bord d'cette poubelle…
Il me sembla grommeler, en pianotant avec rage sur une console, détournant un instant son attention de moi. Je contint un soupir agacé et tirais une bouffée de ma cigarette ; je ne pouvais pas me permettre d'être distraite sur le chemin de ma mission mais je ne pouvais pas non plus me résigner à laisser quelqu'un en perdition dériver dans l'espace. Même un vulgaire contrebandier.
— Où allez-vous ? demandais-je, finalement.
— Peu importe, déclara-t-il. Lâchez-moi n'importe où, tant que c'est une planète avec un spatio-port ou une station orbitale.
Je réfléchis quelques instants ; je pouvais toujours le prendre à bord et le déposer avant d'entrer en vue du système Tellus. Ca ne me coûterait rien de le laisser sur un bout de roc, sur le chemin d'un spatio-bus.
— Bien, j'accepte, déclarais-je, en soupirant.
Et je coupais la transmission sans attendre sa réponse puis j'ordonnais à mon IA :
— Maia, lance l'électro-Grip, s'il te plait. Ensuite, relance le trajet initial.
— Electro-Grip activé, commenta l'IA. Récupération du module de secours…
J'éteignais ma cigarette et la laissais dans le rangement de l'accoudoir de mon siège avant de me lever.
— Fermeture du sas du hangar principal, continua Maia. Le capitaine Jarvis Stockpeed est à bord, capitaine Arhina.
Je quittais le poste de commandement et me rendais plusieurs étages plus bas, dans le hangar. C'était une immense pièce de plusieurs mètres de hauteur où étaient garées les navettes de secours du VAP et à présent, parmi elles, le minuscule engin de secours Omegian. Sur le quai, Stockpeed s'avança vers moi, en laissant tomber une sorte de bagage informe sur le sol. Il me tendit une main chaleureuse, bien que dénuée de tout protocole, que je serrais avec réticence.
— Magnifique hangar ! s'écria-t-il, avec un regard admiratif pour les équipements électroniques et mécaniques autour de nous.
— Je suis le capitaine Arhina Sindri, dis-je simplement.
Il me sourit.
— Merci pour l'assistance, dit-il. Moi c'est Jarvis Stockpeed. Mais, appelez-moi Jarvis, plutôt.
— Bien, dis-je, en tiquant.
Un instant de silence s'installa. Le mettre à son aise n'était pas dans mes prérogatives et je n'ajoutais rien, prenant le temps de le détailler ; vu de près il n'avait pas l'air si vieux que sur les écrans de technoglass, peut-être seulement la trentaine. Son visage avait des traits saillants, noyés dans une barbe de quelques jours, ses cheveux étaient bruns parsemés de gris et ses yeux d'un bleu très clair.
— Et vous ? me lança-t-il, exubérant. J'dois vous appeler comment ?
Rendue muette par son toupet, je ne répondais pas. J'éludais sa question en ordonnant :
— Suivez-moi…
Je pris la direction de la sortie, m'engageant vers l'étage supérieur, vers les cabines et dortoirs du personnel naviguant. Il me suivit en ramassant son paquetage et vint à ma hauteur. Pendant notre marche vers les ascenseurs, je l'observais du coin de l'œil ; il semblait beaucoup s'intéresser à tout ce qui nous entourait et même l'alliage des portes du couloir lui arracha une exclamation admirative. Alors que nous empruntions un des ascenseurs, il ne cessa de s'émerveiller sur l'interface de technoglass, presque déçu que nous ayons à sortir de la cabine, une fois arrivés au bon niveau. Là, je sortais dans le couloir et il me suivit, son sac à l'épaule. Il me rattrapa rapidement puis ralentit, observant les couloirs déserts autour de nous.
— Mais… y'a pas d'membres d'équipage ? s'étonna-t-il.
Je serrais les dents ; non pas que sa question me déplaisait mais le fait d'avoir été privée de mon équipage m'était, lui, désagréable.
— Non, en effet, répondis-je. Il n'y a que Maia, mon Intelligence Artificielle, et moi.
Il garda un instant de silence étonné alors que nous continuions notre marche dans le couloir.
— Pourtant, reprit-il, un vaisseau d'cette classe est fait pour une centaine de gars, rien qu'pour l'équipage !
Il flatta un mur, du plat de la main.
— Deux cent cinquante personnes, répondit-je, d'un ton monocorde. Cependant, il n'a encore jamais accueilli autant de personne à son bord.
— Ah bah, z'avez d'la place alors ! s'exclama-t-il, soudain.
Je hochais la tête tout en continuant mon chemin, quelque peu agacée par son langage et ses manières directes.
— Sans aucun doute, lui répondis-je, grinçante. Ce n'est pas un endroit que je fréquente. J'entrepose, ici. Le reste est au soin de mon équipage…
Il haussa les sourcils.
— Bah, vous dormez où ?
Il avait un tel aplomb que je ne pus me retenir d'en rire, avant de lui répondre presque malgré moi :
— Dans... A mon poste !
J'enchaînais presque aussitôt, sur un ton narquois :
— Au fait, qu'est-il vraiment arrivé à votre vaisseau container ?
Il se racla la gorge, l'air un peu bête.
— Mes... "potes" m'ont lâché un colis, comme prévu mais... c'était une bombe, m'expliqua-t-il, gêné. J'ai juste eu le temps de scanner avant d'sauter dans le module de secours que cette p'tite saloperie m'explosait déjà dans ma soute !
Je pinçais les lèvres et prit une grande inspiration.
— Votre assurance ne veux pas couvrir les dégâts ? demandais-je, à nouveau moqueuse.
Il pouffa, gêné.
— Bah... elle s'terminait hier.
— Hier... Vraiment ?
Il eu un nouveau moment de silence pendant lequel il tenta de se justifier mais aucune réponse intelligible ne sortit de sa bouche.
— C'était un vaisseau volé, n'est ce pas ? dis-je, en souriant.
J'avais décidé de jouer l'ironie jusqu'au bout, à ce sujet.
— Oh, volé ! s'indigna le contrebandier, gêné. Non, j'dirais pas volé... Emprunté plutôt.
Je grimaçais un sourire.
— Donc, vous êtes un contrebandier sans marchandise, ni vaisseau, soulignais-je, de cette même ironie.
— Ouais et j'ai plus un sous, reprit-il, sans s'apercevoir ou ignorant ma pique. J'avais tout misé sur c'paquet.
Il réfléchit et m'avoua encore, non sans gêne :
— J'vais avoir besoin d'un boulot, le temps d'me remettre dans la course. De toute façon, j'vais devoir faire profil bas, pour me faire oublier d'mes... "potes".
Il eut une expression pensive.
— Remarque, continua-t-il, j'pourrais bosser comme mécano, histoire d'avoir quelques crédits dans la poche. J'aidais mon père qui faisait pas mal de mécanique, quand j'étais gosse. Il était dans une usine de montage de vaisseaux alors j'en sais pas mal de c'qu'il m'a apprit et j'ai continué à l'académie…
Je le laissais parler ; son accent d'une quelconque basse planète rendait son babillage incompréhensible.
— L'tien est un véritable bijou, rajouta-t-il. C'est un Freyr ?
— Un Frigg[3], corrigeais-je, agacée par sa familiarité, en lui faisant face. La catégorie supérieure et vous ne pourriez pas l'escamoter à vous tout seul.
Il leva les mains en signe de reddition.
— Pas mes intentions, ma p'tite dame, dit-il, affolé.
Je lui trouvais l'air presque sincère dans son embarras et il jeta un regard circulaire au couloir qui s'étendait devant nous.
— L'est bien trop grand de toute façon, c'est pas mon genre, rajouta-t-il, goguenard. Et puis, niveau discrétion avec un beau morceau comme celui-là, c'est même pas la peine. Sans compter qu'il doit être maniable comme un engin d'forage !
Je plissais le regard, presque vexée de cette comparaison de mon précieux vaisseau.
— Détrompez-vous, monsieur Stockpeed, dis-je grinçante. Le VAP est tout à fait maniable.
Il eu l'air contrit et un nouvel instant de silence passa pendant lequel une idée germa dans mon esprit ; pourquoi ne pas faire une utilité de sa présence et l'envoyer dans la salle des machines ? Ainsi, il ne me gênerait pas et pourrait s'épancher avec les boulons et la machinerie, tout en exploitant ses compétences.
— J'ai une proposition pour vous, déclarais-je à brule-pourpoint. Puisque vous êtes là, que vous n'avez rien à faire et que j'ai besoin d'un homme à tout faire...
Je le vis tiquer et s'assombrir à cette précision.
— Je vous assigne le poste de mécanicien de mon Frigg. Au moins pendant un temps...
Son regard se ralluma et il resta sans voix puis acquiesça toujours en silence.
— Et bien puisque cela vous convient, j'en profite pour vous mettre à contribution tout de suite, dis-je. Un capteur de fumée est défectueux dans la zone 1-3, la salle des machines, je voudrais que vous le répariez.
— Un capteur de fumée ? s'étonna-t-il.
A mon tour, je lui jetais un regard perplexe.
— Il n'y a pas de risques d'incendie à bord des capsules de secours Omegian ? demandais-je, narquoise.
— Euh... non, répondit-il simplement.
Nous arrivâmes dans le couloir des cabines du personnel et j'ouvris l'une des portes des dortoirs en passant l'écran de mon com-link devant la cellule de reconnaissance. Alors, je présentais l'entrée ouverte au contrebandier, d'un geste de la main. L'expression de son visage changea vers la stupeur lorsqu'il jeta un coup d'œil dans la salle puis il se tourna vers moi, en bégayant un remerciement. Les dortoirs du personnel était pourtant parmi les plus modestes en matière de taille et de décoration mais cela avait l'air de le satisfaire. J'en fus parfaitement sûre quand il me dit :
— Je n'ai pas vu de quartier aussi grand depuis...
Il ne finit pas sa phrase et se renfrogna.
— Bon et bien je vous laisse. N'oubliez pas ce capteur dans la zone 1-3, je veux que ce soit fait au plus vite. Vous trouverez un plan du vaisseau dans la chambre. Sinon, demandez le chemin à l'IA.
Il acquiesça, de ce même air sombre auquel je ne fis pas plus attention et je tournais les talons pour regagner mon poste.

Je fis le chemin inverse jusqu'à à la passerelle de commandement puis m'assis sur mon siège de pilotage, refuge salvateur. Je concentrais mon attention sur l'espace qui défilait, derrière la baie vitrée mais je n'arrivais pas à chasser les mauvaises manières du contrebandier de mes pensées ; je devais avouer que je ne me sentirais à nouveau à mon aise que lorsqu'il aurait quitté mon vaisseau.
L'atmosphère tranquille du poste de pilotage me fit du bien cependant et je me laissais aller à un instant de confort. Contre le dossier matelassé de mon siège, je retrouvais la plaquette tactile de technoglass dans son dossier de cuir ; la solitude avait tendance à me rendre désordonnée.
J'activais la tablette ; les informations défilèrent rapidement, en petits caractères luminescents et je demandais à Maia de mettre le document à jour. Je parcourais le dossier de la mission de paix Tellusienne afin de me remémorer les détails des conditions d'entente ; je ne les avais pas oubliées mais je me les répétais à chaque moment d'inactivité, soulignant mentalement les mots les plus justes et les termes les plus importants des projets de paix des plus grands magistrats Yggdrasilianns ainsi que mes propres argumentaires. Je finissais de relire le projet de notre Eldri quand un message préenregistré résonna dans le VAP Arhina :
"Le repas est servi. L'équipage est prié de se rendre au réfectoire."
L'équipage... Je poussais un soupir désabusé, à cette pensée et me dirigeais vers la cantine du vaisseau, ma tablette à la main ; j'aurais tout le loisir de continuer ma lecture pendant le repas pour de ne perdre aucune des précieuses minutes qui s'égrainaient avant l'arrivée sur Caelius. Je ne dénombrais plus les lectures et les relectures que j'avais faite de ce dossier ; une énième et inlassable étude était inutile mais me concentrer dessus, pendant tout ce temps de voyage où je ne pouvais faire qu'attendre avant d'arriver dans l'espace sidéral Tellusien, me donnait l'impression d'agir. Ne serais-ce qu'en me gardant focalisée sur mon objectif... à en devenir obsessionnelle.
Les Tellusiens étaient un peuple violent, conquérant sans aucune limite et dont l'histoire était jonchée des cadavres des nombreuses planètes et systèmes entiers qui avaient osés leur faire face. Leur empire s'était considérablement étendu depuis l'amélioration des technologies spatiales et sub-spatiales, tel que les réacteurs «Warp» et les prémisses de terraformation qu'ils avaient été parmi les premiers à maîtriser. Dans leur soif d'expansion, ils arrivaient maintenant en vue du système Yggdrasil. Je ne pouvais me permettre la moindre négligence si je voulais épargner à Amvarr et ses planètes-sœurs le même sort tragique qu'aux autres systèmes. C'était une énorme responsabilité pour une seule personne et d'autant plus grande qu'aucun Presvirr sur Amvarr n'avait eu en charge une mission d'une telle importance au cours de l'histoire de notre système. De ce fait, aucun d'eux ne pouvait donc partager son expérience ; je n'avais que vingt-sept ans et n'avais alors rempli, hors des frontières Yggdrasilianns, que quatre missions aux enjeux bien moins colossaux que ceux-ci depuis ma nomination en tant que Presvira. Je n'avais pas le droit à l'erreur…
J'arrivais enfin dans le réfectoire où je récupérais une assiette de plastoprène et la plaçais sous le distributeur du robot cuisinier ; aussitôt, une affreuse mélasse semblable à une bouillie de céréale se déversa dans mon plat. L'absence de mon cuisinier de bord se ressentait chaque jour, cruellement, à l'heure des repas.
Le flot s'arrêta à la dose préréglée et je prenais place à une des tables de la grande salle, sinistrement vide. Je baissais mon regard vers mon plat pour ne pas affronter l'écrasante solitude autour de moi. Je replongeais mon attention sur mon dossier de technoglass, tout en prenant une bouchée de temps en temps mais tout cela me coupait l'appétit et mes pensées m'échappèrent ; jour après jour, cette indélicate exigence de me faire répondre, seule, à l'invitation de l'Imperor ne m'en paraissait que plus malhonnête au point d'en être dangereuse. Personne n'était dupe, qu'il s'agisse de mon gouvernement ou de moi-même, concernant cette close mais nous n'avions pas d'autre choix que de nous y plier si nous voulions engager un dialogue empreint de confiance. Jusqu'à présent, je conservais l'espoir que, peu importait l'accueil qui me serait réservé, je serais à la hauteur de ma mission. Mais à présent, mon vaisseau vide me donnait l'impression d'être abandonnée…
Je chassais mes pensées noires, d'un soupir et me frottais les yeux, avant de passer le long article protocolaire sur la manière de s'adresser aux aristocrates de Caelius, d'une pression sur le technoglass. Quelque chose fut posé sur la table, en face de moi et relevais la tête, surprise, pour découvrir le visage du contrebandier, attablé. J'en étais arrivée à oublier sa présence.
Bizarrement, il semblait diffèrent mais je n'arrivais pas à identifier ce qui avais changé.
— Qu'est c'qu'il y'a ? me dit-il, en relevant le nez de son assiette. Pourquoi tu m'regardes comme ça ?
Son manque de bonnes manières me fit grimacer.
— Cher Jarvis, pourriez-vous cesser de me tutoyer ? lui commandais-je, avec une excessive politesse.
Il me considéra, incertain.
— Ce manque de discipline ne vous honore pas, complétais-je froidement. Vous avez beau n'être qu'un mécanicien de bord, je n'en suis pas moins votre capitaine.
Sa mâchoire se crispa et il fit comme si il ne m'avait pas entendu, ce qui m'irrita quelque peu. Cependant, je retournais à ma lecture, ignorant son manque d'éducation. Il se passa quelques secondes où nous n'échangèrent rien de plus qu'un regard. Comment cela ce faisait-il que cet escroc aux manières rustres, se trouvait à ma table ? Et avec une assiette. Sans doute un réglage automatique de l'ordinateur, paramétré pour compter le nombre de personnes à bord et le nombre de ration à distribuer en conséquence, que je pris bonne note d'examiner. Et vu la vitesse avec laquelle ce Stockpeed engloutissait la plâtrée infâme que servait le robot-cuisinier, il n'était pas non plus fin gourmet. Je ne pouvais souffrir ses attitudes de cambroussard des basses planètes plus longtemps et retournais à l'étude de mon dossier. Quelques secondes passèrent où je n'entendais plus que les bruits qu'il faisait en mangeant.
— Vous lisez quoi ? me demanda-t-il, entre deux bouchées.
Je pris le temps de lire quelques phrases de plus et sélectionner les termes importants.
— Les ordres de mes supérieurs, répondis-je enfin.
Il prit une énorme bouchée et finit par me dégoûter totalement du gruau insipide qui se trouvait dans mon plat que je repoussais du bout de la fourchette. Ce mouvement ne passa pas inaperçu aux yeux de ce pique-assiette qui pointa ma purée de la cuillère avant de me demander, avec aplomb, la bouche pleine :
— T'en veux plus ?
Il déglutit.
— Euh, vous... se corrigea-t-il. Vous en voulez plus ?
Sa demande me fit m'étrangler et je le regardais droit dans les yeux, m'apprêtant à lui exprimer ma façon de penser mais ma remarque mourut au bord de mes lèvres lorsque l'image de son visage m'apparut clairement à la lumière blanche du réfectoire, comme si je le voyais pour la première fois.
— Vous seriez-vous quelque peu... arrangé ? demandais-je incertaine, en désignant son visage.
Soudainement, son physique n'était plus si désagréable pour un vulgaire pirate dépenaillé.
— Hein ?
La pertinence de sa réponse me laissa sans voix et je portais une main à ma joue dans un geste de perplexité ; il était peut-être plaisant à regarder, il n'en était pas moins mal dégrossi. Face à mon silence, il revint sur sa principale interrogation.
— Vous allez pas l'manger ?
Dans sa question transparaissait la plus grossière des affirmations. Je ne trouvais rien à lui répondre et lui cédais les restes dont la simple vue me répugnait.
— Si c'est à votre goût...
Il tira l'assiette vers lui à l'aide de sa cuillère.
— J'ai vu tellement pire, marmotta-t-il, les dents serrées.
Il racla les deux plats avec une rapidité déconcertante, sans plus un bruit puis il se leva, marmonna un merci et me demanda la permission de se retirer dans la salle des machines.
— Vous pouvez disposez, répondis-je, sans lever les yeux vers lui.
Il tourna les talons et j'entendis le bruit sec de ses pas dans le couloir. C'est ce moment que choisi Maia pour sortir de son silence.
— Voulez-vous un café, capitaine Arhina ? me demanda-t-elle.
La spontanéité de cette IA confinait parfois à la télépathie et je félicitais un fois de plus, mentalement, son créateur.
— Avec plaisir, dis-je, en pliant mon dossier de cuir sur l'interface de technoglass.
Aussitôt, j'entendis la machine automatisée se mettre à chauffer avant de remplir un autre gobelet de café. Je me levais, prenais la petite tasse et regagnais la passerelle de commandement ; nous ne tarderions pas à arriver en vue de la dernière porte spatiale de Shankana et je tenais à être prête pour son passage. J'abandonnais mon dossier contre l'accoudoir de mon siège, dans lequel je récupérais ma cigarette électronique que j'allumais. Je comptais bien profiter des derniers instant de calme avant notre arrivée sur Tellus, le lendemain. L'aération se mit en marche lorsque je tirais la première bouffée de ma cigarette.
— Capteur de fumée de la zone 1-3 défectueux, rappela Maia alors que les volutes de vapeur étaient rapidement aspirées vers les aérations.
Je soupirais mais prenais une longue gorgée de café, quand un nouveau message préenregistré rompit à nouveau le silence du poste de pilotage :
Attention, une personne non-autorisée tente de pénétrer dans la zone 1-3. Veuillez demander un code d'accès auprès du capitaine en fonction.
En réponse, une série de petits bips m'indiqua un appel vocal venant d'une des interfaces de communication des ponts inférieurs, précisément celle de la salle des machines. Je pris l'appel pour entendre le ton bourru que le contrebandier n'avait pas quitté depuis qu'il était sorti du réfectoire.
— J'ai besoin de ton... votre autorisation pour entrer là-d'dans.
Je soufflais, excédé.
— Je suis en train de boire mon café... lui dis-je.
Il y eut un court instant de silence auquel il finit par répondre, sèchement :
— Et alors ? Si vous voulez que je répare votre capteur, j'en ai besoin.
— Bien, j'arrive !
Je coupais la communication. Après un regard dépité vers ma tasse de café, j'en vidais le contenu, d'un trait et la rangeais ensuite, avec les autres dans l'accoudoir de mon siège. J'éteignais à nouveau ma cigarette et l'y rangeais aussi avant de me diriger vers le tableau de commande de l'opérateur. Là, j'ouvrais un compartiment, dans lequel je pris un des nombreux com-link qui y étaient rangés et je quittais la passerelle au pas de course. Je traversais deux couloirs, un ascenseur et trois coursives avant d'atteindre, enfin, la zone 1-3. Lorsque la porte du sas de la machinerie s'ouvrit, j'aperçus Stockpeed assis contre un mur, l'air blasé.
— Et beinh ! grogna-t-il, impatient alors que j'avançais vers lui.
Je me figeais, coite devant tant d'insolence. Cependant, je décidais de l'ignorer ; sa mauvaise humeur devait être le résultat de ses deux assiettes de gruau indigeste. Je passais mon com-link devant la serrure à reconnaissance magnétique. Il se releva alors difficilement et je lui tendais le bracelet noir.
— Si vous avez encore besoin de quelque chose, voyez directement avec Maia par ce communicateur holographique, commandais-je.
— Un com-link de dernière génération ?! s'écria-t-il soudain.
Il poussa un éclat de rire et je ne dis rien.
— J'ai droit à un com-link de dernière génération ? répéta-t-il toujours sous le coup de l'émotion, en prenant la montre dans sa main.
Il le passa aussitôt à son poignet et le bracelet s'adapta parfaitement à son bras dans un petit bruit d'aspiration avant de clignoter, prêt à l'emploi. J'avais l'impression d'offrir un cadeau à un enfant de douze ans. C'est pourquoi je m'empressais de lui préciser :
— Tachez de ne pas le démonter tout de suite. Vous n'en aurez pas d'autre et ne le garderez pas en quittant ce vaisseau.
Mais il ne m'écoutait déjà plus, il avait le regard braqué sur la porte derrière moi. Je me tournais afin de voir ce qui lui faisait tant d'effet ; l'entrée de la salle des machines était grande ouverte et à travers cette ouverture, l'on pouvait voir les équipements du vaisseau. Il ne resta pas figé longtemps, il passa la porte de la zone 1-3 d'un pas décidé et commença à pousser des exclamations en passant d'une machine à l'autre.
— Deux moteurs quantiques ! Et… et un recycleur de gaz à quadruple compression…
Il marqua un temps d'arrêt pendant lequel il contempla ce dernier avec une sorte de révérence religieuse. Puis, il se tourna sur sa droite.
— Regarde, me dit-il, la voix tremblante d'une émotion que je ne partageais que difficilement. Un générateur de champ de protection et un accélérateur d'énergie pour des canons courte portée…
Sans doute croyait-il que je venais dans cette salle pour la première fois. Toutefois, son émerveillement me fit sourire ; sa conception de la nourriture était peut-être défaillante mais son discours présent était aussi flatteur que celui des techniciens lorsque le VAP Arhina me fut attribué, au début de ma carrière, quelques années auparavant.
— Un… un transformateur d'énergie Warp ! s'écria-t-il, en se penchant à la rambarde du premier pont et observant en contrebas. C'est incroyable… Il est immense !
Il se redressa, déglutit et passa ses deux mains dans ses cheveux puis sur sa nuque :
— Y'en a pour une fortune... ajouta-t-il, à mi-voix, sans que son regard ne quitte les appareils.
Il porta sa main à un étui, contre sa cuisse.
— Incroyable... souffla-t-il du bout des lèvres, le nez levé vers les équipements au centre de l'immense pièce.
J'eus un mouvement de recul puis me raidis ; Maia ne m'avait pas mentionné qu'il était armé et l'avait laisser monter à bord avec un blaster[4] ? C'est du moins ce dont je fus persuadée jusqu'à ce que j'identifie ce avec quoi il venait de s'armer ; un ensemble de tournevis. Je me détendais, soulagée mais mon calme retrouvé s'envola bien vite lorsque je le vis s'accroupir et approcher ses outils des machines. Je m'avançais vers lui d'un pas vif et me postais à côté de lui afin de lui faire comprendre que je l'observais ; cela n'eut pas l'effet escompté puisqu'il ne prêta aucune attention à ma présence et continua son geste comme si je n'étais pas là.
— Les capteurs sont par là, suivez-moi, lui ordonnais-je brutalement.
Il tourna la tête vers moi et me jeta un regard noir d'enfant frustré. Puis il se leva et m'emboîtât le pas. Je m'arrêtais devant un pan de mur et lui indiquais le matériel défectueux, tout en haut d'une cloison. Alors, il balaya la salle du regard et se dirigea vers un échafaudage dont il débloqua les roues, de la pointe du pied et l'attira vers le mur. Il bloqua à nouveau les roues et grimpa à l'échelle de fer avant de dévisser un panneau de la cloison ; là, il extirpa une longue poignées de câbles enroulés de gaines colorées. Curieuse, je montais à mon tour sur l'échafaudage, avec précaution et je l'observais travailler. Il déconnecta le capteur dont les connections et les câblages trempaient dans un étrange liquide visqueux, brunâtre.
— Qu'est-ce que c'est ? demandais-je, en grimaçant. C'est… ça qui est la cause de ce dysfonctionnement ?
Il esquissa un sourire, sans détourner sa concentration de sa tache et replaça les câbles dans la mixture, gardant le petit capteur cylindrique dans sa main.
— Non, me dit-il. C'est un jus qui protège les câbles du gel. Dans l'espace, tout ça… Entre autre.
Il s'assit sur le sol de fer de l'échafaudage et tint un de ses tournevis dans la bouche pour libérer ses mains ; il examina l'élément avant de l'ouvrir.
— C'est même grâce à ça qu'tout continue d'bien tourner dans un engin pareil…
Il désigna l'ensemble de la salle des machines d'un mouvement du menton, avant de récupérer le tournevis entre ses dents. Je le regardais visser, dévisser et tester les composants avec une aisance que je n'avais pas. Il marmonna quelque chose en forçant un peu sur les éléments internes du cylindre puis il se releva, reconnecta le petit capteur aux câbles et replaça le tout dans la paroi. Stockpeed revissa le panneau de métal puis se tourna vers moi, tout en frottant ses mains pleines de ce liquide visqueux sur son pantalon.
— Voila, c'est fait, déclara-t-il. C'était pas la mort, juste une fiche qu'étais déplacée.
Il descendit prestement de l'échafaudage et je le rejoignais plus lentement au sol quand un des bras articulés, dispositif d'assistance physique pour les techniciens de la salle des machines, parmi les nombreux appareillages contrôlés par Maia, sortit du mur et s'étendit au maximum de son ampleur jusqu'au mécanicien Stockpeed. Au bout de sa pince pendait un chiffon rouge. Stockpeed l'attrapa et s'essuya les mains avec, avant de le coincer dans sa ceinture, sans un mot.
— Et bien… dis-je.
Mais je n'en dis pas plus que la voix de Maia m'interrompit :
— Porte spatiale dans dix minutes, capitaine Arhina.
Aussitôt, je me dirigeais vers le sas de la salle des machines.
— Je vous laisse apprécier l'endroit, lançais-je, à voix haute pour le mécanicien. Mais n'altérez rien, c'est un ordre !
Je repris mes trois coursives, mon ascenseur et mes deux couloirs avant d'arriver sur la passerelle de commandement en soufflant comme un auroch. Je m'asseyais sur mon fauteuil.
— Confirmation d'ouverture de la porte spatiale Kor Ladah, me dit Maia. Vérification de la puissance...
Quelques secondes s'égrainèrent, pendant lesquelles j'entendais l'ordinateur calculer.
— Puissance nécessaire disponible, déclara Maia.
— Bien, enclenche le saut spatial, lui dis-je. Nous repassons en Warp.
Les voix des moteurs s'élevèrent de la salle des machines. Une étrange lueur jaunâtre se refléta soudain sur la baie de technoglass du VAP et une autre suivit presque aussitôt alors que les étoiles commençaient à se tordre face à moi et au travers du cercle parfait que formait l'assemblage des balises.
— Maia, qu'est-ce que c'était que…
Une secousse ébranla le VAP alors que nous étions aspirés par la porte.
:bulletred: Notes de bas de page :

:bulletblue: 1. Technoglass : écran de verre holographique et tactile.
:bulletblue: 2. Plastoprène : équivalent futuriste du plastique, à base de matières naturelles.
:bulletblue: 3. Frigg : Vaisseau Spatial de type cuirassé, surtout utilisé par les ambassadeurs lors de missions diplomatiques loin de leur système stellaire d'origine.
:bulletblue: 4. Blaster : Arme tirant des rayons d'énergie focalisés sous forme de lasers. Il en existe différentes version : Armes de poing tel que les pistolets et revolvers ; fusils d'assaut grand ou moyen format et même des canons équipant la majorité des grand bâtiments de guerre ou des vaisseaux spatiaux
___
::EDIT::
Grace à vos commentaires et à notre équipe de beta reader les premiers chapitres ont été remaniés pour votre plus grand plaisir. Ils sont maintenant plus complets car des ajout de précisions ont été fait et validé par l'auteur. Vous n'avez plus qu'à lire et a savourer.

Vos commentaires sont toujours grandement appréciés. Votre avis compte et nous aide à progresser.
Merci de votre participation.
___
:bulletblue: Et voilà le premier chapitre ! J'espère que vous aimerez.

:bulletblue: La suite
:thumb170611293:

:bulletblue: Sorry english friends, it's only in french ! :s

:bulletblack: All characters & story © ~Isilrina
© 2010 - 2024 Isilrina
Comments22
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Daegann's avatar
J'ai vu que ça datait mais... youhou de la SF en français :)
Faut absoluement que je revienne lire ça ^^